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La semaine du droit de la famille

Civil - Personnes et famille/patrimoine
05/10/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la famille.
Résidence habituelle de l’enfant – juridiction compétente
« Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 mars 2019), deux enfants sont issus du mariage célébré le 11 juin 2004 en Suisse entre Monsieur X, de nationalités française et suisse, et Madame Y, de nationalités suisse, irlandaise et danoise. A la suite de la séparation des époux, un tribunal suisse a rendu le 9 novembre 2015 une décision par laquelle il s'est déclaré incompétent à l'égard des mesures concernant les enfants et compétent pour statuer sur les obligations alimentaires entre les époux.
Le 21 janvier 2016, Monsieur X a déposé une requête en divorce au tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse. A compter d'octobre 2016, la résidence principale des enfants a été fixée exclusivement en Suisse. Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 6 mars 2017, dont Monsieur X a interjeté appel
(…) Vu l'article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, entrée en vigueur en Suisse le 1er juillet 2009 et en France, le 1er février 2011, ensemble l'article 61 du règlement (CE) no 2201/2003 du 27 novembre 2003 :
Selon le premier de ces textes, les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'Etat contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens. En cas de changement licite de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre Etat contractant, sont compétentes les autorités de l'Etat de la nouvelle résidence habituelle.
Selon le second texte, les dispositions du règlement et, en particulier, l'article 8.1 qui désigne, en matière de responsabilité parentale, les juridictions de l'Etat membre dans lequel l'enfant à sa résidence habituelle à la date où la juridiction est saisie, priment sur celles de la Convention de La Haye dans les seules relations entre les Etats membres.
Pour dire les juridictions françaises compétentes en matière d'autorité parentale et statuer sur les modalités de son exercice, après avoir énoncé que la règle de compétence générale édictée à l'article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 du 27 novembre 2003 s'applique à des litiges impliquant des rapports entre les juridictions d'un seul Etat membre et celles d'un pays tiers, l'arrêt retient qu'à la date de l'introduction de la requête en divorce, en janvier 2016, les enfants étaient en résidence alternée, chez leur mère en Suisse et chez leur père en France à l'ancien domicile conjugal, qu'ils étaient scolarisés en France, qu'ils avaient depuis plusieurs années, le centre habituel de leurs intérêts dans ce pays, où ils étaient intégrés dans leur environnement social et familial. Il ajoute que ce n'est qu'à compter d'octobre 2016, à la suite de l'incarcération de leur père, que les enfants ont résidé exclusivement en Suisse, où ils ont été scolarisés avec l'accord de celui-ci donné par lettre du 1er août 2017. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la résidence habituelle des enfants avait été licitement transférée en cours d'instance dans un Etat partie à la Convention du 19 octobre 1996 mais non membre de l'Union européenne, de sorte que seule cette Convention était applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés
»  
Cass. 1re., 30 sept. 2020, n° 19-14.761, P+B*
 

 Protection des majeurs – coût des mesures exercées par le mandataire judiciaire
« Selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Sens, 9 avril 2019) et les pièces de la procédure, Madame X a été placée sous tutelle en 2014.
Monsieur Y, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a été désigné en qualité de tuteur d’octobre 2014 à avril 2017, date à laquelle le juge des tutelles a ouvert une mesure d’habilitation familiale et désigné son fils, Monsieur X, pour la représenter. Par déclaration au greffe du 10 septembre 2018, celui-ci a demandé la condamnation de Monsieur Y à lui payer la somme de 3 169 euros au titre d’un trop-perçu de rémunération et celle de 800 euros à titre de dommages-intérêts.
(…) Vu les articles 419, alinéas 2, 3 et 4, du Code civil, L. 471-5, R. 471-5,
R. 471-5-1 et R. 471-5-2 du Code de l'action sociale et des familles, ces derniers dans leur rédaction applicable à la cause :
Aux termes du premier de ces textes :
« Si la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles. Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique, selon des modalités de calcul communes à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et tenant compte des conditions de mise en œuvre de la mesure, quelles que soient les sources de financement. Ces modalités sont fixées par décret.
A titre exceptionnel, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre des deux alinéas précédents lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée.
Aux termes du deuxième :
« Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources. Lorsqu'il n'est pas intégralement supporté par la personne protégée, il est pris en charge dans les conditions fixées par les articles L. 361-1, L. 472-3 et L. 472-9.
A titre exceptionnel, le juge peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par l'exercice de la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre du premier alinéa lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes.
Cette indemnité est à la charge de la personne et est fixée par le juge en application d'un barème national établi par décret »  
Cass. 1re., 30 sept. 2020, n° 19-17.620, P+B*
 
Filiation – jugement supplétif
« Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2018), aux termes de son acte de naissance, Madame X est née le 9 janvier 1977 à Grand-Bassam (Côte d'Ivoire) de Monsieur X et de Madame Y, cette dernière étant de nationalité française. Invoquant un jugement supplétif rendu le 25 juillet 2005 par le tribunal de première instance de Grand-Bassam, elle a, par acte du 17 juillet 2014, assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes afin d'obtenir la transcription de son acte de naissance et de son acte de mariage sur les registres français de l'état civil
(…) En application de l'article 311-14 du Code civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant.
Si un jugement supplétif régulier, quelle que soit la date à laquelle il est prononcé, est réputé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de l'enfant à la date de sa naissance (1re Civ., 17 décembre 2010, pourvoi no 09-13.957, Bull. 2010, I, no 272), cette filiation n'emporte des effets utiles en matière de nationalité, pour les enfants nés hors mariage, que dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article 311-25 du Code civil et du 6o du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance no 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation.
Il résulte de ces dispositions combinées que si l'indication de la mère dans l'acte de naissance d'un enfant né hors mariage avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, le 1er juillet 2006, établit la filiation à son égard, elle est sans effet sur la nationalité de l'enfant majeur à cette date.
La cour d'appel ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Madame Y n'avait jamais reconnu Madame X, née hors mariage, il en résulte que le jugement supplétif d'acte de l'état civil et l'acte de naissance la désignant comme mère étaient sans incidence sur la nationalité de Madame X, majeure au 1er juillet 2006, de sorte que son acte de naissance ne pouvait être transcrit sur les registres français de l'état civil.
Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du Code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée »  
Cass. 1re., 30 sept. 2020, n° 19-17.796, P+B*
 
 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 5 novembre 2020
 
 
 
 
Source : Actualités du droit