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Covid-19 : adaptation de la procédure civile à l’état d’urgence sanitaire

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
19/11/2020
Objectif : adapter les règles de procédure civile pour permettre le maintien de l’activité des juridictions civiles et commerciales malgré les mesures d'urgence sanitaire prises pour ralentir la propagation du virus Covid-19. Retour sur l’ordonnance du 18 novembre adaptant les règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale (hormis ses dispositions applicables en matière sociale).
Cette ordonnance a été prise en application de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prolongation de l’état d’urgence sanitaire. Son article 10 autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, toute mesure pour prolonger ou rétablir l'application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d'ordonnance et à procéder aux modifications nécessaires à leur prolongation, à leur rétablissement ou à leur adaptation à l'état de la situation sanitaire.
 
L’ordonnance du 18 novembre reprend donc certaines mesures de celle du 25 mars 2020 (Ord. n° 2020-304, 25 mars 2020, JO 26 mars, v. Procédure civile et état d’urgence sanitaire : le point sur les aménagements de la procédure civile, Actualités du droit, 26 mars 2020). L’objectif : adapter certaines règles de procédure civile permettant le maintien de l’activité des juridictions civiles et commerciales malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour ralentir la propagation du virus.
 
   
 
L’article 1er de l’ordonnance dispose que jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit le 16 février + 1 mois, v. L’état d’urgence sanitaire prorogé jusqu’au 16 février 2021, Actualités du droit, 16 nov. 2020), des dispositions dérogatoires sont applicables. Précision d’importance : elles sont d’application immédiate et s’appliquent aux instances en cours le 20 novembre.
 
 
Un transfert de compétence entre juridictions
« Lorsqu'une juridiction du premier degré est dans l'incapacité totale ou partielle de fonctionner, le premier président de la cour d'appel désigne par ordonnance, après avis du procureur général près cette cour, des chefs de juridiction et des directeurs de greffe des juridictions concernées, une autre juridiction de même nature et du ressort de la même cour pour connaître de tout ou partie de l'activité relevant de la compétence de la juridiction empêchée » précise le deuxième article du texte publié le 19 novembre.
 
L’ordonnance du premier président doit préciser les activités faisant l’objet du transfert de compétences et la date. Elle est prise pour une durée ne pouvant excéder un mois après la cessation de l’état d’urgence.
 
 
Une publicité restreinte possible
« Les chefs de juridiction définissent les conditions d'accès à la juridiction, aux salles d'audience et aux services qui accueillent du public permettant d'assurer le respect des règles sanitaires en vigueur » dispose l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-1400.
 
Également, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte ou en chambre du conseil « en cas d'impossibilité de garantir les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes présentes à l'audience ».
 
Des journalistes pouvant toujours assister à l’audience selon des modalités déterminées, y compris lorsqu’elle se tient en chambre du conseil en application de cette ordonnance.
 
 
Statuer à juge unique
L’ordonnance prévoit que la juridiction peut « statuer à juge unique en première instance et en appel dans toutes les affaires qui lui sont soumises » sur décision de son président. Le juge désigné est un magistrat du siège qui ne doit être ni un magistrat honoraire ni un magistrat à titre temporaire.
 
Notons que « Le présent article s'applique aux affaires dans lesquelles l'audience de plaidoirie ou la mise en délibéré de l'affaire dans le cadre de la procédure sans audience a lieu pendant la période mentionnée à l'article 1er ».
 
 
Le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle
« Le juge, le président de la formation de jugement ou le juge des libertés et de la détention peut, par une décision non susceptible de recours, décider que l'audience ou l'audition se tiendra en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle permettant de s'assurer de l'identité des personnes y participant et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats ». En cas d’impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen, l’ordonnance prévoit que le juge peut décider d’entendre les parties, leurs avocats ou la personne à auditionner par « tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, permettant de s'assurer de leur identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges ».
 
Le juge doit s’assurer du bon déroulement des échanges entre les parties et doit veiller au respect des droits de la défense et au caractère contradictoire des débats. Aussi, les opérations effectuées doivent être notées dans un procès-verbal.
 
Enfin, « Les moyens de communication utilisés par les membres de la formation de jugement garantissent le secret du délibéré ».
 
 
La procédure sans audience
Dans son article 6, l’ordonnance organise l’hypothèse dans laquelle la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat. Le juge ou le président de la formation pourra décider, à tout moment, que la procédure se déroule selon « la procédure sans audience ».
 
Les parties doivent être informées par tout moyen. Elles disposent d’un délai de quinze jours pour s’opposer à cette procédure. Et en cas d’urgence, ce délai pourra être réduit par le juge ou le président de la formation.
 
« À défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge » souligne l’ordonnance. Et, le juge ou le président de la formation pourra décider de « tenir une audience s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande ».
 
Précision : en matière de soins psychiatriques sans consentement, la personne hospitalisée peut à tout moment demander à être entendue par le juge des libertés et de la détention. « Cette audition peut être réalisée par tout moyen permettant de s'assurer de son identité et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges » précise l’ordonnance.
 
 
Un serment par écrit
Enfin, l’ordonnance prévoit que pour toute prestation de serment devant une juridiction « peut être présentée par écrit ».
 
 
Application et suite …
Ces dispositions sont d’application immédiate aux instances en cours dès le 20 novembre. Et un projet de loi de ratification de cette ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans un délai d’un mois.
 
Également, le 19 novembre 2020, un décret d’application a été publié pour permettre l’adaptation de certaines règles d'organisation judiciaire et de procédure civile pendant la crise sanitaire afin d'assurer la continuité du service public de la justice (D. n° 2020-1405, 18 nov. 2020, JO 19 nov.).
 
 
Source : Actualités du droit